Qui était James Brown ?
À la sortie de Sex Machine Today en mai 1975, le monde du groove ploie encore sous le matraquage de Sex Machine, Parts I & II, et I Feel Good, que James Brown met sur orbite dès septembre, son 41ème album : Everybody's Doin' the Hustle & Dead on the Double Bump qui trouve son public et son audience grâce aux deux premiers étages que sont Superbad, Superslick et Hustle!!! (Dead on it).
Une année plus tôt James Brown découvrait l’Afrique. Le premier pays visité était le Zaïre de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, grâce à Don King qui l’avait fait venir pour l’ouverture du championnat du monde de boxe entre George Foreman et Mohammed Ali le 30 octobre 1974. Sylvester Stallone s’en souviendra 11 ans plus tard en le faisant prester dans Rocky IV pour un Living in America de circonstance, et de surcroît saignant dans tous les sens : et pour le spectateur qui en a pris plein les yeux et pour Appolo Creed qui en a pris plein la gueule et qui paiera cher sa désinvolture.(1)
De cette tournée africaine, il dira : « J’ai été surpris par les épanchements d’amour que mes frères et sœurs africains m’ont offert. J’ai aussi été étonné de voir à quel point l’Afrique était vaste ! Je me souviens également avoir vu un petit garçon, marchant dans les bois avec des disques sous les bras mais sans appareil pour les faire jouer. Il était à la recherche de quelqu’un qui avait un phonographe chez lui… »
Il omet sûrement de parler d’un jeune musicien aveugle dont il n’a jamais su le nom, mais qui lui a remis un exemplaire de son disque Hot Koki (2), sorti en vinyle l’année précédente. Même si selon le site izzymagazine.com, c’est lors de son séjour kinois que James Brown aurait flashé sur le titre qui passait en heavy rotation à la radio nationale. De retour aux USA, James Brown se souviendra à l’occasion de ce titre et dans l’album Everybody's Doin' the Hustle & Dead on the Double Bump, le single Hustle (Dead on it) (3) ressemble étrangement à Hot Koki de Tala André-Marie. En fait c’est plus qu’un emprunt. Le Godfather a succombé au plagiat. Et les juges américains le lui rappelleront sèchement. En 1978 il est condamné et obligé de créditer Tala André-Marie comme seul compositeur du titre.
Ce dernier relatera en ces termes ce vaudeville : « James Brown est venu au Cameroun en mai 1975. Je suis allé lui remettre, ainsi qu’à son manager Charles Bobbitt, un exemplaire de mon album « Hot koki », enregistré un an plus tôt, qui venait de sortir. Quelques mois plus tard j’ai entendu la reprise qu’il en a faite. Malheureusement il ne m’a pas cité. Mon nom n’apparaît pas sur la pochette de son disque: « Everybody’s Doin’ The Hustle & Dead On The Double Bump » C’est comme ça ! J’ai fait un procès que j’ai gagné, après quatre ans de procédure » (4)
Ce n’est certes pas le plus brillant de ses titres. Mais son rapport à l’Afrique et aux personnes défavorisées qu’il a aidées toute sa vie s’en est trouvé biaisé, voire dénaturé. Il aimait l’Afrique. Il aimait le jeune homme aux vinyles. Il lui a pourtant « volé » et les vinyles et l'électrophone. Lui le bon Samaritain a chipé la chanson d’un aveugle et n’a rendu gorge que sous les coups de boutoir de la justice.
Ainsi était-il James Brown, chanteur inclassable. Showman exceptionnel... Mais aussi un homme avec un passé, voire un passif, qui a écrit l’histoire de la musique en son temps.
Il aurait eu 88 ans ce 3 mai
Gérard Bertrand